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Le diagnostic
Premier élément
Nous constatons que cet écart
de croissance devrait, toujours
selon l’OCDE, se réduire en 2016
,
les prévisions respectives étant de
1,7 % pour la zone euro et 3 % pour
les Etats-Unis. Une des raisons de ce
resserrement est que le cycle américain
a pris du retard, si bien que l’écart de
production- c’est-à-dire l’écart entre le
PIB potentiel, notion correspondant au
PIB de plein emploi sans inflation et
le PIB réellement constaté- était selon
les derniers calculs du FMI en 2013
de 3 % en zone euro contre 4,5 % aux
Etats-Unis. L’Amérique caracolerait
pour rattraper son retard dans le cycle.
Deuxième élément
Offrons nous un rapide passage
par Athènes en pleine ébullition.
Non pas celle des envolées nostalgiques
de la grandeur de Byzance mais celle
des analyses deYanisVaroufakis. Dans
ses travaux, il dénonce les dangers de
l’injection permanente de demande
par les Etats-Unis. Cette injection a
pour conséquence le fait que l’épargne
mondiale, au lieu de financer l’avenir
en allant s’investir dans les pays
émergents, finance la consommation
des Américains. Enfermé dans son
keynésianisme hydraulique des twin
deficits et du quantitive easing, la
politique américaine accumule
dettes et bulles. D’où une croissance
américaine fondée sur une dette
publique représentant désormais
100 % du PIB. En zone euro, malgré
les débords de certains pays, la dette
publique n’est que de 91 % du PIB.
Résultat, le taux d’intérêt à 10 ans
américain était début février de
1,8 % alors que la zone euro bénéficie
de taux longs peu élevés (0,3 % en
Allemagne, 0,6 % en France, 1,4 % en
Espagne et 1,5 % en Italie).
Troisième élément
La zone euro ne souffre pas des
handicaps que souvent on lui
attribue.
Le danger aujourd’hui
abusivement mis en avant est celui
de la déflation. La déflation est
un déséquilibre entre l’offre et la
demande sous forme d’excès d’offre
(l’inflation correspondant à un excès
de demande). Ce déséquilibre se
traduit par une baisse régulière et auto-
entretenue des prix, baisse favorisée par
une contraction de la masse monétaire.
Est-ce le cas en zone euro ?
On pourrait considérer que la zone
euro est en excès d’offre puisqu’elle
est en excédent extérieur : la demande
intérieure y est inférieure à la
production. Cet excédent de 2,6 %
de son PIB est porté principalement
par l’excédent allemand. En fait, un
excédent extérieur traduit un arbitrage
consommation/épargne favorable à
l’épargne. On dépense moins pour
préparer l’avenir. Cela a du sens
dans les pays qui, pour des raisons
démographiques, externalisent une
partie de leur épargne vers des pays
jeunes et à forte croissance potentielle.
Ce fut naguère le cas du Japon ;
c’est aujourd’hui le cas de l’Europe.
Regardons l’évolution des prix. Ils
augmentent au rythme de 0,5 % par
an avec une forte influence sur cette
baisse du prix de l’énergie. Regardons
enfin l’évolution de la masse monétaire.
L’agrégat monétaire M3 augmente en
ce moment en zone euro au rythme de
1 % par an. Pas de contraction donc.
En pratique, la baisse actuelle des prix
se fonde principalement sur le contre-
choc pétrolier. C’est un contre-choc
pétrolier qui soutint la croissance à
la fin des années 80 comme à la fin
des années 90. De même aujourd’hui,
le contre-choc pétrolier, réalisant un
transfert de pouvoir d’achat au profit
des pays consommateurs, dynamise la
demande et réduit fortement les coûts
de production.
Le risque pour la croissance en zone
euro est aujourd’hui politique. La
menace venue d’Athènes, plus encore
que celle de l’explosion de la zone, est
celle de la remise en cause des politiques
d’austérité au moment même où elles
portent leurs fruits. Dès lors, les pays
de la zone euro doivent résolument
s’inspirer du discours d’investiture de
Mario Monti quand il fut nommé
président du conseil. Il définissait les
trois piliers de la politique à mener:
une politique budgétaire d’austérité
fondée non pas sur la spoliation fiscale
mais sur la baisse des dépenses afin
de maintenir l’équilibre structurel des
finances publiques ; une politique de
dynamisation de la création de richesse
organisée autour de la concurrence ;
une politique d’affirmation de l’Europe
pour que disparaisse l’idée que le projet
européen est purement technocratique.
L’écart de croissance
entre les Etats-Unis
et l’Europe devrait
se réduire en 2016 (OCDE)
L’avis de Jean-Marc Daniel, Économiste, Professeur à l’ESCP EUROPE
« Perspective européenne »
L’Europe, et plus particulièrement la zone euro, suscitent le doute. La comparaison avec la situation américaine conforte à
première vue ce doute. La croissance sera en 2015, selon l’OCDE, de 3,1 % aux Etats-Unis et de 1,1 % en zone euro.