Focus thématique
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Vers un nouvel ordre énergétique mondial
La baisse des prix du baril reflète
davantage une augmentation de
l’offre, qu’une faible demande liée à
la morosité économique dans la zone
euro et au ralentissement structurel
de la croissance chinoise. La forte
hausse de la production américaine
de pétrole de schiste a été de très loin
le principal catalyseur de la chute
des prix du baril : la production
pétrolière américaine a représenté la
grande majorité de la croissance de
l’offre hors OPEP. Le marché quant
à lui se polarise excessivement sur la
croissance des chiffres d’affaires et de
bénéfices vis-à-vis desquels il jouit
d’une bonne visibilité. Or, la visibilité
s’amoindrit lorsqu’il s’agit d’analyser
des allocations de capital passées et
futures. Ce biais comportemental
conduit la plupart des analystes «
sell-side » à se procurer avant tout
des projections de bénéfices à court
terme.
L’IMPACT ÉCONOMIQUE
AMÉRICAIN : POSITIF,
MALGRÉ LE SCHISTE
La baisse des prix du baril bénéficie
doublement aux grands pays
importateurs de pétrole : d’une
part par une stimulation de la
consommation intérieure – du fait
de la diminution des dépenses en
carburant et en énergie - d’autre part
par un renforcement de la balance
des paiements courants – du fait de la
diminution des exportations nettes.
Alors qu’ils continuent d’importer
davantage de pétrole qu’ils n’en
exportent, les États-Unis ont
bénéficié de l’essor du schiste ces
dernières années, soutenus par une
forte croissance des investissements
dans l’exploration et la production.
Face au plongeon actuel des prix du
baril en dessous du seuil de rentabilité,
les investissements dans le schiste
connaîtront une baisse significative.
Les États-Unis tirent cependant
doublement parti de la baisse des
prix du brut : grâce à la hausse de
la consommation et à la diminution
des exportations nettes.Au global,
nous estimons donc que l’économie
américaine devrait bénéficier de la
chute des prix du brut.
COUP DE POUCE À
L’ÉCONOMIE MONDIALE
En Europe, où les importations d’énergie
mondiales dépassaient les 500 milliards
de dollars en 2013, la chute des prix du
pétrole devrait fournir un soutien non
négligeable à l’économie européenne.
L’impact économique au Japon, où
moins de 10 % de l’énergie provient
de sources nationales, devrait être
tout aussi positif : les répercussions
déflationnistes négatives sont plus
que compensées par les effets de
la baisse des prix du pétrole sur la
consommation et sur les échanges nets.
En Chine, deuxième importateur
net mondial de matières premières,
chaque dollar en moins du prix du
baril se traduirait par une économie
annuelle de 2,1 milliards de dollars, si
bien qu’une baisse des prix du baril
de 50 % permettrait d’économiser
plus de 100 milliards de dollars.
LE FOSSÉ SE CREUSE
ENTRE PAYS PRODUCTEURS
Les prix inférieurs au « seuil de
rentabilité » font plonger les comptes
nationaux de pays exportateurs de
pétrole tels que la Russie, leVenezuela,
l’Iran et impactent leurs marges de
plus en plus déficitaires.
En Arabie Saoudite, la diminution du
coût marginal de production, bien
inférieur à ceux de ses principaux
compétiteurs internationaux, et
l’importance des réserves pétrolières
rend supportable toute baisse du prix.
Au niveau sectoriel, les perdants
de la chute des prix du pétrole
englobent l’exploration et la
production pétrolières, les biens
d’équipement dans l’énergie, l’énergie
renouvelable ainsi que les dettes à
haut rendement dans le secteur de
l’énergie. Les gagnants sont les biens
de consommation cyclique et les
secteurs énergivores : l’automobile,
les compagnies aériennes, les produits
chimiques et l’agriculture. Mais dans
la mesure où nombre de secteurs
comptent à la fois des gagnants et des
perdants, une sélection rigoureuse
d’actions efficace est essentielle,
soulignant l’importance d’une
approche d’investissement active.
La chute des prix du pétrole au second semestre a
indiscutablement été l’événement le plus marquant de l’année
2014. Cette tendance baissière, qui se maintient en 2015, devrait
être globalement favorable à l’économie mais elle créera aussi
des gagnants et des perdants, soulignant l’importance d’une
approche d’investissement active.