Perspectives N°6 - Stagnation séculaire : la nouvelle donne - page 5

La théorie de la stagnation
séculaire
Larry Summers, ancien secrétaire au
Trésor américain a qualifié de
« stagnation séculaire » une
période
de croissance structurellement
peu vigoureuse caractérisée
par une demande insuffisante.
Il semble difficile de contester que
nous soyons dans cette situation, et le
ralentissement de la Chine, deuxième
économie mondiale, ainsi que de
l’ensemble des pays émergents n’y
sont pas totalement étrangers.
Mais plus globalement, ce qui
caractérise la stagnation séculaire,
et qui s’applique parfaitement à la
période que nous connaissons depuis
plusieurs années est le
déséquilibre
entre une épargne surabondante
au détriment
d’un investissement
en diminution
. Or, lorsque de telles
conditions sont amenées à perdurer,
il devient évident que l’excès de
liquidités en quête d’actifs trop peu
nombreux conduise naturellement à
une compression des taux d’intérêt.
C’est d’ailleurs, dans un autre
domaine, cette même mécanique qui
affecte les emprunts d’Etats allemands,
où l’équilibre budgétaire contribue à
fortement restreindre les émissions de
dettes face à une demande structurelle
forte de rendement sans risque…
Parmi les éléments concourant
à
une épargne mondiale
structurellement plus élevée
figure
la démographie qui dans les pays
développés voit une part grandissante
de la population épargner sous
l’effet du vieillissement. Un autre
phénomène œuvre également
sur l’épargne, celui des inégalités
grandissantes entre les plus riches
et les autres et la concentration
des richesses qui en résulte. Le
pourcentage d’épargne augmentant
avec les revenus, le taux d’épargne
global augmente lui aussi. Enfin
les pays émergents ont fortement
contribué à la hausse de l’épargne
mondiale. Ceux-ci ont en effet généré
d’importants excédents de leurs
balances courantes qui n’ont pu être
intégralement réinvestis localement.
A défaut, ces sommes sont venues
gonfler les réserves de change et
ont été investies dans d’autres pays,
exerçant le plus souvent des pressions
à la baisse sur les taux d’intérêts.
A titre d’exemple nous pouvons
citer la Chine qui a vu ses réserves
multipliées par 20 à 3561 milliards
de dollars entre 2000 et 2015 et qui
détient désormais plus de 20 % de
l’ensemble du marché des emprunts
d’Etat américains.
La diminution des
investissements à l’échelle
mondiale
est quant à elle largement
influencée par la baisse des prix des
biens d’équipement et des machines.
Etant désormais possible de produire
plus avec moins, on comprend
aisément ce phénomène qui n’est
pourtant pas négatif en lui-même.
Nous observons en outre une dé-
corrélation entre la rentabilité des
capitaux propres des entreprises et
leurs dépenses d’investissement. Elles
sont ainsi parvenues à augmenter leur
rentabilité plus rapidement que leurs
investissements.
Un autre élément expliquant la
baisse des investissements, dont les
investisseurs avisés ne manquent
pas de tirer parti, est la propension
croissante des entreprises à investir
leurs excédents de trésorerie dans les
dividendes ou les rachats d’actions.
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Investissement et ROE (rentabilité des capitaux propres) des entreprises dans les pays
de l’OCDE
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1975 1979 1983 1987 1991 1995 1999 2003 2007 2011 2015
En % du PIB
Taux de rentabilité des
capitaux propres ROE, en %
Rentabilité des capitaux propres
de l’indice MSCI des marchés développés
(éch. gauche)
Part de l’investissement dans le PIB
des pays de l’OCDE (éch. de droite)
Source : Minack Advisors, OCDE, MSCI, NBER, juin 2015
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